Un des plus petits peuples minoritaire de Chine est le peuple Dulongs/Derungs. Il vit au Yunnan tout proche de la frontière avec la Birmanie/Myanmar. C’est à la fois un des plus petits peuples de la Chine, à la fois un des plus isolés du monde depuis des siècles par les jungles et des montagnes ; à la fois un peuple qui a vécu presque sans vêtements, entourés d’une simple couverture et enfin, il est également connu comme réalisant de fascinants tatouages sur les visages des femmes. Vivant dans un » monde perdu » il peut concentrer un certain nombre de visions phantasmatiques.
Les temps changent et depuis 1999 une route les relie au monde. Dans cet article, nous présentons une tentative de préserver leurs artisanat et d’aider à les sortir d’une relative pauvreté. En 2015, le projet de tissage de Naze Naze dans le village de la rivière Dulong a été lancé conjointement par la une entreprise de design Fondation d’art contemporain de Pékin et Klee Klee, une entreprise de design.
Le contraste avec l’image du peuple est criante.
Une pose très symbolique : l’objet est remis « directement » du producteur au consommateur, il y a un échange.
Au fil de sept années, Naze Naze a tissé des liens entre tisseuses et designers, créant non seulement des couvertures classiques, mais aussi des produits tissés à la main plus proches de la vie quotidienne, tels que des châles, coussins, masques pour les yeux, sacs, et bien d’autres encore. «
Cette valorisation de l’artisanat, c’est la valorisation de l’artisanat comme forme d’art et en même temps profiter du savoir faire pour créer des produits adaptés aux étrangers à la culture Dulongs/Derungs, des produits utilitaires.
L’artisanat est devenu une forme d’art : cette affiche est exemplaire tant elle démontre la proximité du tissage traditionnel avec la peinture moderne.
Le prix s’en ressent, Un tissus de 1,6 m sur 1,80 m est proposé à la vente à 500 euro. L’authenticité ethnologique également car, par exemple, la fibre de chanvre a été remplacé par des fibres de matières plus prisées.
Cette stratégie de développement est désormais classique. L’ethnique a un coté chic et cher. C’est le fruit d’un combat pour changer l’image et les représentations. Présenter désormais certaines de leurs productions comme du domaine du luxe, c’est ré-valoriser ces produits et leurs producteurs. En Chine, le paysan, la ruralité ne faisait pas rêver, désormais l’entreprise chinoise Klee Klee avance des éléments de langages : « reconnecter aux rythmes naturels et aux modes de vie simples, à travers une approche fondée sur la durabilité, le respect de l’environnement et des designs minimalistes ».
Le mot « Klee Klee » signifie « ralentir » en tibétain. Le fait que la langue tibétaine soit utilisée est riche de sens. En Chine, comme en Europe, ce thème post-moderne prend tout son sens.https://kami.myblog.arts.ac.uk/2023/06/02/the-woman-weaving-the-rainbow-on-the-dulong-river/?utm_source=chatgpt.com
Seul les plus fortunés peuvent désormais acheter les produits de luxe des peuples les plus pauvres. Toutefois, cela s’inscrit dans une certaine logique économique :
- ce marché correspond au segment du luxe, segment pertinent car potentiellement rentable
- ce marché du luxe est également celui de l’artisanat d’art et peut-être finalement un jour celui du marché de l’art.
- ce marché correspond au commerce de charité et d’aide où l’achat est également un don et un engagement
- ce marché du luxe est plus utile pour la création d’une image positive et pour créer une publicité que pour la rentabilité financière. La réussite de cet artisanat est celle de ce peuple, de ce créateur, de l’office du tourisme du Yunnan et enfin de l’image de la Chine.